Surmonter les résistances à l’arrivée d’un professionnel à domicile
- Augustine
- 19 mars
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 mars
Le maintien à domicile est un souhait largement partagé par les personnes âgées. Elles sont 90 % à souhaiter vieillir chez elles, le plus longtemps possible. Pourtant, lorsque la perte d’autonomie menace, accepter l’intervention d’une aide à domicile n’a rien d’évident.
Familles et soignants se heurtent souvent à un refus d’aide.
Il s’agit alors de comprendre les raisons de ces résistances afin d’y répondre avec tact et douceur. Ce refus n’est pas un simple entêtement : il exprime souvent des craintes profondes.

Peur de perdre son autonomie
Beaucoup de personnes refusent initialement certaines aides, même nécessaires, par crainte de perdre leur indépendance. Il est extrêmement douloureux pour ces personnes qui ont été actives et autonomes toute leur vie d’admettre qu’elles ne peuvent plus gérer seules tous les aspects de leur quotidien.
Elles y voient une atteinte à leur identité d’adulte indépendant et la peur de devenir un fardeau.
Ces blessures et le besoin d’autonomie expliquent qu’une personne voit d’un mauvais œil l’arrivée d’une aide à domicile.
Sur le plan psychologique, on identifie fréquemment un « refus par principe » pour ne pas lâcher prise, préférant se débrouiller difficilement seul plutôt que d’admettre sa dépendance, par besoin de s’affirmer et de conserver sa dignité
Il peut également y avoir la peur de perdre son libre arbitre si quelqu’un intervient dans sa vie.
Dans certains cas, un état dépressif sous-jacent renforce cette opposition avec leurs proches.
Comment aider la personne à voir l’intervention comme un soutien plutôt qu’une privation ?
D’abord, en dédramatisant l’enjeu. Accepter de l’aide ne signifie pas perdre tout pouvoir, bien au contraire. Il est important de montrer à la personne que cette aide vise à prolonger son autonomie dans son cadre de vie familier et non à la lui retirer.
On peut expliquer que l’auxiliaire de vie est là pour accomplir les tâches les plus pénibles ou dangereuses (ménage, courses, toilette difficile…) afin de lui permettre de concentrer ses forces sur ce qu’elle aime et peut encore faire elle-même.
Ensuite, il faut impliquer la personne dans les décisions la concernant, afin qu’elle ne se sente pas dépossédée de son libre arbitre. La personne doit se sentir libre de ses choix.
Concrètement, cela signifie discuter en amont de ce qu’elle accepterait ou non : Quelle aide lui serait la plus utile en premier ? À quel moment de la journée la préférerait-elle ? Par qui ?

Respecter ses préférences, même des détails, lui montre qu’elle reste aux commandes. On peut proposer une période d’essai limitée pour le convaincre en douceur.
Il est également conseillé de soumettre une idée, la laisser mûrir, puis en reparler plus tard sans pression. Cette patience porte souvent ses fruits.
Enfin, le discours adopté doit être rassurant et valorisant. Insister sur le fait que faire appel à un service professionnel d’aide à domicile est aujourd’hui chose courante.
Mieux vaut écouter ses réticences et y répondre une à une :
- si elle craint le coût de l’aide : la rassurer sur les aides financières existantes (APA, etc.)
- si elle dit « je peux encore le faire » : reconnaître sa capacité tout en proposant que l’aide l’épargne sur une seule tâche précise identifiée comme difficile (porter les courses, nettoyer les vitres…)
En somme, reconnaître son autonomie résiduelle est la clé. Le respect de la décision de la personne demeure essentiel. Tout passage en force s’avère contre-productif. En reconnaissant sa capacité à décider, il est bien souvent possible de trouver un terrain d’entente.
Méfiance envers les intervenants extérieurs
L’autre grande résistance face à l’aide à domicile tient à la méfiance naturelle de nos aînés envers des personnes étrangères à leur cercle. Le domicile est un espace intime, presque sacré et ouvrir sa porte à un inconnu peut être angoissant à tout âge.
Beaucoup de personnes redoutent en effet qu’une aide extérieure perturbe leur tranquillité, voire que des intervenants indélicats profitent de leur vulnérabilité. Cette conscience aiguë de sa fragilité peut rendre la personne soupçonneuse : elle craint d’être volée, maltraitée ou simplement importunée si elle laisse entrer quelqu’un chez elle
Il n’est pas rare qu’elle ait du mal à faire confiance au départ, d’autant plus si elle n’a pas choisi l’intervenant.

Par ailleurs, la pudeur entre aussi en jeu, par exemple recevoir de l’aide pour la toilette, implique de se montrer dans son intimité à un inconnu, ce qui génère un profond malaise quel que soit l’âge. L’aide-ménagère est ainsi souvent mieux acceptée parce que moins intrusive
Mais certaines personnes refusent un auxiliaire de vie par fierté de tenir leur maison. Elles ne veulent pas accueillir quelqu’un alors que la maison est en désordre. Cela montre à quel point elles tiennent à l’image qu’elles renvoient : redoutant le regard jugeant d’un tiers sur leur mode de vie ou la tenue de leur foyer.
Pour créer une relation de confiance avec elles il convient d’avancer avec beaucoup de patience et d’empathie. La première étape est de choisir un intervenant adapté et de maintenir autant que possible la même personne dans la durée.
Mon expérience du domicile me fait dire qu’idéalement il faut au minimum 2 intervenants afin de pallier à l’absence de l’un et que tout le processus d’acceptation ne soit pas vain si l’un d’eux vient à partir en congé.
Il sera préférable d’organiser une rencontre préalable : un premier contact informel entre la personne, l’intervenant et un membre de la famille, autour d’un café pour faire connaissance en douceur. Ce temps aide à briser la glace. Tous 3 doivent avoir une place dans la discussion.
Ne pas hésiter à solliciter le soutien du médecin pour « prescrire » moralement l’aide à domicile.
Pendant les premières interventions, l’aidant familial peut éventuellement être présent ou à proximité, si cela rassure la personne puis s’éclipser progressivement à mesure que la confiance s’établit.

Avec le temps, les personne acceptent non seulement l’aide, mais en viennent à la valoriser, voire à la réclamer si elle tarde, une fois la confiance établie. C’est pourquoi persévérer en douceur est payant.
Enfin, rappelons qu’il faut toujours respecter un refus catégorique sur le moment et ne pas brusquer la personne. En cas de blocage persistant, mieux vaut faire une pause et tenter une autre approche plus tard (ou via quelqu’un d’autre) que d’insister et risquer de rompre le lien de confiance naissant.
Des habitudes bien ancrées
Le troisième frein majeur à l’introduction d’un professionnel à domicile réside dans les habitudes de vie bien ancrées des personnes âgées. Progressivement, la routine quotidienne devient un pilier rassurant, un cadre structurant dans lequel la personne se sent en contrôle.
Or, toute intervention extérieure vient bousculer ce cadre établi, ce qui peut susciter résistance et anxiété. La peur du changement est réelle. La personne peut redouter que son univers soit chamboulé, que son logement soit réaménagé sans son avis ou que l’intervenant impose de nouvelles règles de vie.
Face à cela, la stratégie gagnante est de s’adapter aux habitudes de vie de la personne et non l’inverse. En pratique, il faut tout faire pour respecter le rythme et les préférences de la personne :
choisir des horaires d’intervention compatibles avec sa routine
préserver ses rituels
commencer par des services moins invasifs avant d’introduire des aides plus personnelles : un peu de ménage hebdomadaire, une aide aux courses.

Le professionnel est formé pour ne pas tout faire à sa place mais faire avec elle. Cette approche partagée renforce l’acceptation, la communication, la relation et les fonctions cognitives, comme nous l’avions évoqué dans l’article : Les supers pouvoirs des tâches quotidiennes.
Pour favoriser l’adhésion et le rodage de la nouvelle routine, il est pertinent de mettre en place un support visuel : tableau blanc ou agenda pour faciliter l'intégration de l'aide.
Ils seront d’excellents outils pour aider votre proche à intégrer les nouvelles interventions dans son quotidien tout en stimulant sa mémoire.
Comment structurer un tableau blanc ?
Clair et épuré : évitez la surcharge d’informations. Limitez-vous aux passages essentiels.
Routine stable : faites noter par la personne les jours et heures d'intervention de manière stable et répétitive (par exemple, "Infirmière – mardi 9h00").
Personnalisation : utilisez des couleurs distinctes pour chaque type d'intervention (soins infirmiers, aide à domicile, Équipe Spécialisée Alzheimer).
Horaires fixes : placez toujours les interventions récurrentes aux mêmes endroits sur le tableau pour renforcer les repères.
Quel agenda ?
L'Agenda des Carnets de Léon et Augustine est spécialement conçu pour les personnes âgées présentant des troubles de la mémoire. Il offre une structure adaptée qui facilite l'organisation quotidienne et l'orientation temporelle, éléments essentiels pour intégrer efficacement une aide à domicile ou des services de soins.

Chaque semaine est visible en un coup d'œil, avec une distinction claire entre le matin et l'après-midi, ce qui simplifie la planification des interventions.
Des sections spécifiques permettent de noter les visites des professionnels de santé ou des aides à domicile.
Des étiquettes pré-imprimées pour des rendez-vous récurrents (médecin, infirmier, aide à domicile, etc.) facilitent la mise à jour de l'agenda et la relecture.
L’anosognosie : « Elle oublie qu’elle oublie. »
Je l’avais évoqué dans mon précédent article, l’anosognosie désigne une altération de la conscience des troubles chez une personne atteinte de troubles cognitifs. La personne n’a pas conscience de ses difficultés. Contrairement au déni qui est une réaction psychologique défensive, l’anosognosie est un trouble neurologique lié à des lésions cérébrales.
Pour en savoir plus, je vous invite à consulter l’article : "L'anosognosie : Elle oublie qu'elle oublie"
Des résistances surmontables avec écoute, adaptation et patience
En conclusion, surmonter les résistances d’une personne âgée face à l’arrivée d’un professionnel à domicile requiert avant tout de l’écoute, du respect, de la souplesse et de la patience. Il n’existe pas de recette magique universelle mais un principe essentiel : placer la personne au centre comme actrice de son propre accompagnement.
Mon expérience en SSIAD m’a montré que ces refus ne sont ni un caprice ni une ingratitude mais bien souvent l’expression d’une angoisse légitime face aux changements.
De plus, s’appuyer sur des tiers de confiance peut faire la différence : un parent âgé écoutera parfois davantage un avis extérieur (médecin, ami, voisin) que celui de ses enfants sur la nécessité d’une aide. Impliquer ces relais ou consulter des professionnels (infirmier, ergothérapeute, psychologue gérontologique, assistante sociale, Etc.) peut apporter un éclairage neutre et débloquer le dialogue.
En fin de compte, accepter une aide à domicile est souvent un cap difficile à franchir mais une fois celui-ci passé, la personne âgée découvre généralement le bénéfice de ce soutien : plus de sécurité, une vie quotidienne facilitée, une autonomie préservée et une reprise du lien social qui est stimulant et valorisant.
Et pour la mise en place des Carnets de Léon et Augustine ?
Vous vous demandez comment présenter les Carnets de Léon et Augustine à votre proche sans le contrarier ou le brusquer, et vous assurez qu'il accepte d'essayer.
Voici quelques suggestions de phrases que vous pouvez utiliser pour introduire ces carnets de manière douce et rassurante, tout en valorisant ses capacités.
1. Proposez l'activité comme un moment partagé :
« J’ai trouvé des activités qu’on pourrait faire ensemble, elles sont amusantes et ça nous donnerait l'occasion de passer un bon moment de détente. Qu’en dis-tu ? »
« Regarde, ce carnet propose des jeux simples, je me suis dit qu’on pourrait les essayer ensemble, juste pour s’amuser un peu. »
2. Mettez en avant les capacités de votre proche :
« Tu as toujours été très doué pour ce genre de jeux, ça pourrait être sympa de les essayer ensemble. »
« Ces jeux me rappellent ceux qu’on faisait avant, je pense que ça te plairait. »
3. Évoquez des souvenirs agréables :
« Tu te souviens des mots croisés qu’on aimait faire ensemble ? Ces exercices s’en inspirent, on pourrait s’y replonger. »
« Ces jeux me rappellent les moments qu’on passait à la maison, ça te dirait qu’on les refasse ensemble ? »
4. Mettez l’accent sur l’aspect ludique et non médical :
« Ces activités ne sont pas comme des devoirs, c’est juste pour passer un bon moment et s’amuser. »
« C’est comme un jeu, on peut essayer, et si ça ne te plaît pas, on fera autre chose. »
5. Laissez le choix et respecter son autonomie :
« On peut en essayer un ou deux et si ça te plaît, on continue. Sinon, pas de souci, on passe à autre chose. »
« Si ça te dit, on peut essayer un peu, mais si tu n’as pas envie, on arrête. »
6. Profitez des moments calmes :
« Après le café, ça te dirait qu’on essaie un jeu pour se détendre ? »
« Pendant ce moment de calme, je pensais qu’on pourrait essayer ces activités ensemble, si ça te tente. »
merci pour cet article